- HENRI VIII D’ANGLETERRE
- HENRI VIII D’ANGLETERRENé à Greenwich en juin 1491, fils d’Henri VII qui fut le premier souverain Tudor, Henri VIII d’Angleterre monte sur le trône en 1509 à l’âge de dix-huit ans et son règne ne s’achève qu’en janvier 1547. Contemporain de François Ier et de Charles Quint, il a été, comme eux, un roi à la fois humaniste et chevalier, dont les décisions en matière de gouvernement, de vie religieuse, d’économie, surtout dans le domaine commercial, et les relations extérieures ont durablement marqué l’histoire de son pays. Il serait aussi injuste que ridicule de ne retenir de lui que l’image du grand amateur de femmes et d’épouses, qui ne connut pas moins de six reines à son côté, Catherine d’Aragon de 1509 à 1533, dont il divorça, Anne Boleyn, les trois années suivantes, qu’il fit exécuter, Jane Seymour, en 1536-1537, qui mourut douze jours après avoir accouché du futur Édouard VI, Anne de Clèves qu’il répudia, à peine épousée, en janvier 1540, Catherine Howard, qui fut exécutée en février 1542 après moins de vingt mois de vie commune, et Catherine Parr, sa veuve en 1547 après une union de trois ans et demi.1. L’héritageEn montant sur le trône, Henri VIII a découvert un héritage aux facettes variées. Le royaume, encore borné au nord de l’Écosse indépendante, compte environ trois millions de sujets, héritiers des survivants de l’hécatombe des pestes du XIVe siècle, dont 85 p. 100 étaient des villageois et presque autant des agriculteurs; le reste de la population est constitué par de maigres cités (Londres compte alors quelque 50 000 à 60 000 habitants), qui, parfois dotées du statut de «bourgs», gèrent elles-mêmes, par l’intermédiaire des élus des bourgeoisies, leurs affaires municipales. L’aristocratie soumise d’une main de fer par Henri VII, mais affaiblie surtout par les effets des morts et des renouvellements de la longue guerre civile des «Roses», achevée en 1485, est tentée parfois de redresser la tête en s’appuyant sur de vastes clientèles, des châteaux, des armées privées; le système religieux est fondé sur le monopole de l’Église catholique en Angleterre, riche d’un tiers des terres du royaume, réparties entre ordres monastiques et clergé séculier, défendue contre l’hérésie, celle des Lollards en particulier, par de terribles lois pénales. La puissance extérieure est encore fort limitée, surtout depuis l’avortement définitif des grands rêves de domination sur la France voisine (mais la prudence financière, la possession de ressources non négligeables, la position géographique autorisent d’utiles et fructueux marchandages diplomatiques et une influence parfois démesurée). La faiblesse du système politique réside dans la jeunesse même de la dynastie des Tudors, conquérante du trône en 1485 et toujours, de ce fait, exposée à faire face à d’autres ambitions, dans un régime qui allie un Parlement fort de deux siècles d’existence dans ses structures bicamérales, et dans la prétention de l’autorité d’un exécutif toujours doté de l’investiture divine. Les possessions sont plus assurées au pays de Galles qu’en Irlande; et l’action est en général entravée dès lors qu’il s’agit de compter sur une administration squelettique et nécessairement recrutée, au sommet, parmi des notables qui ne se veulent pas seulement des serviteurs; de même, lorsqu’il faut constituer une armée, une flotte de guerre en trouvant les ressources, les hommes et les navires (dans un royaume surtout «terrestre»).Les atouts du jeune roi ne sont pas négligeables. Il bénéficie de l’expérience et des réalisations de son père et prédécesseur, de la popularité que lui a gagnée son intelligente politique économique d’encouragement du grand commerce maritime et qu’a renforcée la paix intérieure et extérieure; il peut jouer de la soumission du Parlement, que Henri VII n’avait réuni que sept fois en vingt-cinq ans, préférant légiférer en Conseil. Il a été formé à son métier, bien que seule la mort de son frère aîné Arthur, en 1502, lui eût valu la promesse de la Couronne: il est un excellent cavalier, apte à tous les combats, il a goûté, dans les temps de l’humanisme naissant, aux joies de l’esprit, ami de Thomas More, d’Érasme, qu’il rencontre ou avec lequel il entretient une active correspondance; il se pique de connaissances variées et étendues, son intelligence est indéniable. Son entourage lui est d’autant plus dévoué qu’il puise ses exemples dans une Antiquité grecque et romaine dont on retient surtout les ardeurs patriotiques; il élève aux plus hautes fonctions son ancien chapelain, Thomas Wolsey ; celui-ci, rapidement porté à l’épiscopat, devenu archevêque d’York et, en 1515, cardinal, est promu en décembre de la même année chancelier du royaume: très ambitieux, ayant à deux reprises rêvé d’une élection au pontificat, il garantit à son maître les conseils les meilleurs pour renforcer son autorité et cela jusqu’à sa disgrâce de 1529.L’histoire du règne doit être divisée en deux périodes que sépare la grande querelle avec Rome, avec son aboutissement: le schisme et la constitution d’une Église nationale. Ce n’est pas privilégier le religieux que de marquer d’entrée cette césure: elle a préfiguré un immense changement dans l’ordre des choses politiques, dans la vie sociale, dans le reclassement international des puissances européennes.2. La fidélité à la traditionAvant 1529, Henri VIII est davantage un continuateur qu’un innovateur. À l’heure des déchirements religieux sur le continent, après que Luther, en 1517, eut levé l’étendard d’une révolte contre Rome, le roi se veut le défenseur de l’orthodoxie. Il n’empêche pas les humanistes de conduire leur quête, permet sans difficulté à Thomas More de publier, en 1516, son Utopie , demeure l’ami de John Colet, doyen de Saint-Paul, mort en 1519 après avoir créé une école de grande valeur et qui est un lecteur critique des Écritures et le pourfendeur des abus du clergé; il approuve Wolsey de chercher à réprimer certains de ces abus et de créer de bons collèges à Oxford et Ipswich. Mais il gagne en 1521, sur décision de Léon X, le titre de «défenseur de la foi», désormais partie intégrante de la titulature royale anglaise, pour avoir publié une Assertio septem sacramentorum dirigée contre Luther. On brûle des livres, mais aussi des hérétiques accusés de «lollardisme»; Thomas More lui-même est chargé en 1529 de réfuter les écrits de William Tyndale, disciple de Luther et premier traducteur du Nouveau Testament en anglais (1525). Il s’agit de ne faire porter la réforme que sur des matières de discipline et de rites.Maintenant le calme religieux dans le royaume, le souverain est d’autant plus libre de poursuivre une politique autoritaire. C’est l’époque de la création de sections locales du Conseil du roi dans les comtés du Nord et sur les «Marches» galloises, du recours systématique à un Conseil privé encore nombreux (de 40 à 50 membres) qu’on essaye vainement de réduire à une vingtaine de personnes en 1526, du développement de la section judiciaire du Conseil dans sa «Chambre étoilée» (Star Chamber ), de la réduction au minimum de l’intervention du Parlement qui n’est réuni qu’à cinq reprises et dont on se passe financièrement au prix de quelques exactions fiscales illégales, dont la difficile levée, en 1525, d’une taxe étrangement qualifiée d’«amicale» (amicable grant ). Soucieux de ne pas heurter les grands intérêts et conscient de ses propres besoins, Henri VIII encourage l’essor maritime, mais se garde bien de chercher à appliquer avec rigueur les lois contre les enclosures , qui, permettant le développement de l’élevage du mouton à laine, «dépeuplent» certains cantons du royaume en chassant les fermiers et journaliers de terres jusqu’alors vouées à la céréaliculture. Tout au plus une grande enquête mise en œuvre en 1517 contribue à ralentir le mouvement.À l’extérieur, la politique est résolument empirique. La guerre n’est jamais exclue comme moyen: en 1512, elle prend l’aspect d’une vaine tentative de reconquête de la Guyenne; en 1514, elle comporte l’acquisition de Tournai aux dépens de Louis XII de France, que son fils rachète en 1518; en 1513-1514, c’est sur les confins écossais qu’il faut se battre. La diplomatie est habile: le grand affrontement des Valois et des Habsbourg permet à Henri de se vendre au plus offrant, dans la mesure où ses intérêts propres ne sont pas menacés; en juin 1520, il demeure insensible aux fastes du camp du Drap d’or et préfère appuyer Charles Quint plutôt que François Ier. Les malheurs du roi de France poussent, en 1525, à une paix entre l’Angleterre et la France, fort généreusement payée par celle-ci, puis, l’année suivante, à un renversement d’alliances. Cependant, il apparaît souvent de bon ton de reprendre à son compte la vieille idée d’une réconciliation de la chrétienté sous la bannière d’une croisade contre les Turcs pour délivrer les Lieux saints!Symbole de la continuité avec le passé: à partir de 1525, et pour la première fois, le souverain anglais se fait désigner, dans sa titulature, avec le numéro d’ordre qui est le sien dans l’emploi de son prénom.3. Les innovationsEn 1529, les nuages se sont accumulés. Henri n’a qu’une héritière, Marie, née en 1516. Il se persuade d’autant plus aisément que sa dynastie serait en péril en cas de succession par une femme (parfaitement légitime pourtant), qu’il est, depuis 1527, tombé follement amoureux d’Anne Boleyn: un remariage pourrait lui valoir l’héritier jugé nécessaire. Pour divorcer, le roi invoque le tardif scrupule de conscience d’avoir épousé la veuve de son frère Arthur: ce mariage, intervenu en 1501, une année avant la mort du prince, n’a sans doute jamais été consommé, mais le procès de divorce a été marqué par l’appel à de douteux et répugnants témoignages contraires. Sollicitée auprès du pape Clément VII, une décision favorable aurait sans doute pu être obtenue si, après le «sac de Rome» par les troupes de Charles Quint en 1527, celui-ci, devenu le plus puissant souverain de la Chrétienté et le plus influent en Italie, n’avait pas été le neveu de Catherine.Les tergiversations pontificales et l’échec, à Londres, de la procédure entamée devant le tribunal des légats, Wolsey et Campeggio, entraînent la chute du cardinal Wolsey et donnent le signal des grandes mutations.La réforme religieuseHenri VIII fait appel, sur l’avis de son nouveau conseiller, le théologien Thomas Cranmer, au jugement des principales universités d’Europe. Il en retire bien des satisfactions, mais l’intransigeance du pape leur donne une valeur surtout intellectuelle. Un jeu dangereux s’engage de part et d’autre: certains conseillers de Henri, dont Thomas Cromwell, estiment opportun d’associer leurs ambitions et leurs idées à l’affirmation farouche d’un «anglicanisme» voisin du gallicanisme en France; Cranmer, progressivement gagné au luthéranisme, et promu archevêque de Canterbury en mars 1533, incite à des évolutions doctrinales; la stratégie d’intimidation du Saint-Siège conduit à des gestes dont l’échec constitue autant d’étapes vers une rupture: en février 1531, Henri est reconnu par le clergé comme chef suprême de l’Église anglaise «autant que la loi du Christ le permet»; en mai 1532, la «soumission du clergé» comporte l’acceptation d’un contrôle royal sur toutes ses décisions; le 23 mai 1533, on espère encore placer Rome devant le fait accompli en faisant prononcer par une cour présidée par Cranmer le divorce du roi. Mais la riposte de Rome est l’excommunication du souverain et, en 1534, l’«évêque de Rome», privé de toute autorité, l’Acte de suprématie établit Henri comme «chef» de l’Église en Angleterre, il est complété par l’exigence d’un serment à la personne royale de tout adulte et l’assimilation à un acte de trahison de toute résistance. Épouvantés par l’exécution, en 1535, de l’évêque Fisher et de Thomas More, chancelier du royaume de 1529 à 1532, les voix des protestataires se taisent rapidement. Un régime religieux curieux est ensuite peu à peu défini. On est partagé entre la volonté, qui est celle du roi, de ne procéder qu’à des réformes limitées et de respecter l’essentiel des articles de la foi romaine, et la crainte d’ébranler un système ancestral. Henri VIII se laisse facilement convaincre de supprimer les petits monastères en 1536, puis les autres en 1539; il est, ce faisant, à l’écoute des critiques courantes des humanistes contre l’inutilité et les scandales de la vie monastique, mais il est surtout intéressé par la confiscation des biens considérables des monastères; parmi ceux-ci, les uns sont réservés au domaine royal, d’autres vendus, distribués ou convertis en fondations d’écoles et de collèges, voire de nouveaux diocèses, garantissant la fidélité de leurs heureux bénéficiaires. Mais il paye cette initiative de la plus grave révolte de son règne, le «pèlerinage de la Grâce» d’octobre à novembre 1536, qui rassemble, contre les «mauvais conseillers du roi», 20 000 «pèlerins» du Lincolnshire, du Yorkshire, du Cumberland et du Northumberland: la victoire royale est acquise moins par les armes que par la duplicité et, après un «armistice» en décembre, des insurrections sporadiques sont matées en février 1537 et suivies de l’exécution des principaux meneurs. La révolte a pourtant convaincu Henri de réduire au minimum les atteintes à la foi. Alors qu’en 1536 Thomas Cromwell a été autorisé à promulguer les Dix Articles qui prévoyaient en particulier la diffusion de la Bible en anglais, en mai 1539, l’Acte des Six Articles est dirigé contre les excès de zèle réformateurs et proclame la préservation de presque toutes les traditions catholiques. Ce que confirme à nouveau expressément le Livre du roi de 1543, rédigé sur l’initiative de Cranmer et personnellement approuvé par le souverain. La vraie réforme protestante est encore à venir. Quant aux résultats obtenus par les attaques contre les abus, s’ils ne sont pas entièrement négligeables, on ne peut les juger décisifs.Les changements dans l’ÉtatL’évolution politique est des plus importantes. Elle est en partie déterminée par le souci de faire approuver par le peuple les perturbations du statut religieux et les modifications d’un ordre dynastique troublé par les mariages successifs du souverain, la naissance en 1533 d’Élisabeth, fille d’Anne Boleyn, suivie, en 1537, de celle d’Édouard, fils de Jane Seymour. D’où un retour en grâce de l’institution parlementaire et la recherche de ce qui a constitué à partir de là le «chef-d’œuvre» de l’action des Tudors: un compromis entre le goût, intact, d’une autorité indiscutable et le respect de l’apparence des libertés et du Parlement.Henri VIII ne renonce pas à affirmer ses préférences absolutistes. Il suit les conseils de Thomas Cromwell et fait du conseil privé un instrument efficace de gouvernement en le distinguant du Grand Conseil, en lui fixant un nombre restreint de membres, dix-neuf en 1536, recrutés parmi des officiers compétents et parfaitement soumis à la volonté royale; jusqu’à la chute du favori, en 1540, le Conseil apparaît trop comme l’outil de Cromwell, mais il peut ensuite faire pleinement ses preuves. En 1537, le Conseil du Nord est profondément remanié, doté d’une compétence administrative et judiciaire sans limite, défini comme itinérant avant de se fixer, plus tard, à York et, grâce à son président, de 1538 à 1550, Robert Holgate, fait archevêque d’York en 1544, il garantit la sécurité de la frontière avec l’Écosse comme l’obéissance des sujets. Pour le pays de Galles, l’Acte d’union de 1536 substitue le système anglais des comtés à des structures féodales et fait du conseil des Marches un puissant organisme de contrôle et de gouvernement. En 1541, Henri se proclame d’autre part roi (et non plus seigneur) de l’Irlande. La Chambre étoilée, toujours, considérée comme une section judiciaire du Conseil, gagne en initiative, même si il lui est interdit de prononcer des peines capitales. Le pouvoir exécutif est confié à un nombre restreint de personnes: de 1533 à 1540, Thomas Cromwell, fait comte d’Essex peu avant sa disgrâce de 1540, devient, avec le titre de secrétaire d’État, un véritable Premier ministre; Henri ne prolonge pas l’expérience par la suite, mais confie à deux secrétaires d’État des tâches majeures. Les divers rouages exigent des finances sûres: outre le revenu d’un domaine considérablement élargi par les confiscations de biens monastiques, Henri, par une mesure des plus illégales, s’arroge à partir de 1534 le droit de modifier à sa guise les taxes douanières. Le Parlement ne pâtit pas de ces efforts. En particulier parce que le Reformation Parliament qui a siégé de 1529 à 1536 a parfaitement secondé le souverain dans son œuvre religieuse et l’a ainsi convaincu de son utilité. Privée de ses lords-abbés, la Chambre haute connaît une stagnation du nombre de ses membres, alors que les Communes sont passées de 296 à 341 députés au cours du règne: la création de nouveaux sièges autorise parfois la constitution de clientèles, d’autant que Cromwell utilise avec fermeté un véritable mode de candidature officielle et innove en faisant admettre dans l’enceinte des réunions des représentants de la Couronne, qui expliquent les mesures sollicitées, mais aussi contribuent à les faire adopter. Signe des temps nouveaux, entre 1530 et 1547, le Parlement a siégé pendant près de onze ans au total contre environ quatre au cours des vingt et une premières années du règne.Si beaucoup de députés sont en même temps des juges de paix, commissaires royaux dans les comtés, on ne peut pas en inférer qu’ils ont été des serviteurs dociles: recrutés parmi les notables locaux, ils ont pu manifester des qualités et un esprit d’autonomie remarquables. Leur dévouement tient en partie à la crainte, tant l’immunité parlementaire est loin d’être acquise, mais aussi plus positivement à leur approbation fondamentale de la politique économique et extérieure du souverain.Les encouragements à l’économieLa prospérité économique est réelle parce que le règne du roi coïncide avec le début d’un «beau XVIe siècle»: l’essor de la population, même relatif, un climat plus favorable, mais aussi une politique habile y contribuent. Henri VIII est un artisan du mercantilisme alors en honneur. Cela se traduit par le renouvellement des Actes de navigation de son père, en particulier en 1540, pour favoriser l’essor d’une flotte de commerce dotée d’équipages anglais. Par ailleurs, il soutient les entreprises commerciales, en particulier les voyages répétés de William Hawkins sur les côtes de Guinée et du Brésil, malgré les protestations portugaises. En 1537, une loi sur les guildes tend à faciliter l’accession de compagnons à la maîtrise, dans le dessein de réduire le malthusianisme des corporations et de permettre la croissance des productions. Un souci identique a justifié les ventes et les distributions de terres, mais aussi la poursuite des efforts pour prévenir les excès des enclosures : une loi de 1536 réserve à la culture les terres d’origine monastique pour une durée minimale de vingt ans.Autant par souci de l’ordre que par préoccupation chrétienne, le roi n’a pas été insensible à la misère: sur la longue route qui mène à la fameuse loi des pauvres d’Élisabeth en 1601, Henri a planté d’importants jalons en confiant, en 1531 et en 1536, des responsabilités de contrôle aux juges de paix et, surtout, en réservant, pour la première fois à cette dernière date, aux paroisses la mission de secourir les indigents.Il est vrai aussi que le roi, par ses manipulations monétaires des années 1540, destinées à lui procurer des ressources et à alléger ses dettes en faisant varier le titre des pièces et la définition – or ou argent de la livre –, a largement aussi contribué à une hausse erratique des prix et à une baisse des salaires réels. On a estimé à quelque 39 p. 100 la hausse des prix alimentaires de 1541 à 1550, d’où une difficile course entre prix et rémunérations.L’habileté internationaleLa politique extérieure, par contre, n’a guère varié dans sa pratique du jeu de basculement entre Valois et Habsbourg. Pendant plusieurs années, on vit une paix précaire et un rapprochement avec la France que symbolisent un traité d’amitié en 1532, suivi d’un pacte pour s’opposer en commun à l’expansion ottomane. Mais la lutte d’influence des deux monarchies amène de vifs affrontements à propos de l’Écosse: Jacques V, époux d’une princesse française, ravage les zones frontières en 1542 et sa mort n’empêche pas l’action d’un puissant parti français. En 1542, Henri est ainsi poussé à une alliance avec Charles Quint contre François Ier. Ses troupes occupent Boulogne deux ans plus tard. Une paix séparée entre l’empereur et son éternel rival français met l’Angleterre en fâcheuse posture, mais, en 1546, le traité d’Ardres rétablit la paix en laissant Boulogne à l’Angleterre pour une période de huit ans. Henri VIII reçoit d’autre part la promesse d’une forte indemnité.Dans ce contexte d’événements contradictoires, la santé et la vigueur de Henri VIII entrent dans un lent déclin. Il assiste, au cours des dernières années de sa vie, à l’affrontement à la cour de «partis» opposés, chacun soucieux de prendre le meilleur en cas d’accession au trône d’un roi mineur (Édouard à neuf ans à la mort de son père). L’exécution du comte de Surrey et l’emprisonnement de son père, le duc de Norfolk, traduisent les suspicions ultimes du roi à l’encontre du parti le plus décidé à renouer avec Rome. Cependant qu’Edward Seymour, comte de Hertford, favorable à une réforme plus radicale, semble alors renforcer sa position.Henri VIII meurt le 28 janvier 1547. Les difficultés traversées par le royaume sous le court règne d’Édouard VI, jusqu’en 1553, puis de Marie la Sanglante de 1553 à 1558, contribuent, dès le XVIe siècle, à rehausser les mérites du père de la grande Élisabeth.
Encyclopédie Universelle. 2012.